Conflit d’intérêt: qui s’en soucie !?
S’il est bien une terminologie juridique dont le titre n’émeut que trop peu le commun des mortels, c’est bien celui du conflit d’intérêt(*).
Si l’on vous parle du délit d’initié, de l’abus de bien social ou encore du délit d’octroi d’un avantage injustifié, sans avoir une connaissance précise de ce qui caractérise la nature d’un délit, chacun est en mesure d’appréhender la gravité des chefs d’accusation grâce à l’emploi spécifique des mots délit et abus présents dans leur qualification.
Point de cela dans le conflit d’intérêt. Le non initié(e) mesurera simplement qu’une difficulté conflictuelle se présente sans en conclure pour autant qu’il s’agit éventuellement d’un acte d’accusation délictuel(**), et celui pour lequel le conflit d’intérêt est explicite ne trouvera pas dans les termes utilisés matière à mesurer l’éventuelle gravité des faits.
Dans la mesure où la qualification des mots a un sens plus ou moins fort, l’image que renvoie tel ou tel délit dans l’opinion sera plus ou moins forte, et c’est bien cela le problème en des temps où le conflit d’intérêt devient la norme alors même que son plus fidèle pratiquant se trouve à la tête de l’Etat français.
Je ne reviendrai pas sur ce que chacun constate avec Sarkozy chaque fois que ce dernier utilise les services de son ami Bolloré pour aller en vacances alors que les sociétés de ce dernier sont détentrices de nombreux marchés publics, où chaque fois que des louanges à Sarkozy sont tressées dans la presse par des journalistes travaillant pour des journaux possédés par ses amis.
Non, comme le conflit d’intérêt s’exprime sans émouvoir grand monde chez de nombreux décideurs et bien sûr dans toute activité économique, je voudrais soutenir le combat de ceux qui n’acceptent pas que la santé soit le terrain de jeu des plus mercantiles contre l’intérêt d’une médecine solidaire et qui soigne efficacement.
C’est le combat du Formindep qui dénonce quotidiennement tous les conflits d’intérêts des praticiens avec les grands groupes pharmaceutiques, le financement des diverses activités médicales des praticiens par ces derniers ne pouvant en aucun cas garantir une médecine indépendante, juste et économiquement viable à travers le régime solidaire que représente la Sécurité Sociale.
Le conflit d’intérêt, dans le domaine médical, est l’ennemi juré d’un système de santé en difficulté, où plutôt que de rechercher les coupables chez ceux qui concourent à ruiner une santé solidaire pour des intérêts financiers particuliers, on préfère continuer à culpabiliser les malades.
La pratique narrée par un interne en médecine sur son blog prouve à quel point, à travers les visiteurs médicaux, le conflit d’intérêt est une pratique plus que courante mais qui reste totalement impunie :
« Monsieur Inexium° est passé aujourd’hui.
« Ah je ne savais pas que c’était vous la deuxième interne (celle qui refuse la visite). »
Il nous propose d’organiser une soirée de formation avec le chef de service … Je lui explique que je suis contre …
« - Mais pourquoi ?
- Vous savez bien pourquoi !
- Mais non … c’est toujours intéressant pour moi …
- Vous faites du commerce et moi je soigne des gens, c’est un conflit d’intérêt, non ?
- Vous êtes « indépendante », je vous présente de façon objective les intérêts de mon IPP … et libre à vous de prescrire celui que vous préférez …
- En somme vous êtes altruiste ?
- C’est un partenariat ! »
Pour décoder …IPP = inhibiteur de la pompe à proton c’est une classe de médicament »
Les conflits d’intérêts, sous couvert de l’apparence d’un intérêt immédiat pour celui qui s’y adonne, est un véritable détournement du système de santé au détriment de tous les patients, que les conséquences soient financières ou qualitatives.
Il est tant de redonner du sens à ce grave délit aujourd’hui totalement banalisé.
(*) définition : Il existe un conflit d’intérêt lorsqu’une personne ou l’organisation à laquelle elle se rattache détient des relations financières ou personnelles qui influent de façon inadéquate sur ses actions (engagements doubles, intérêts ou loyauté concurrents).
(**) le délit se nommant « prise illégale d’intérêt ». c’est déjà plus parlant!