D’un aspect particulier de l’abandon des missions de l’Etat…
Rien d’exclusif que de constater à quel point le rôle de l’intervention de l’Etat dans ses missions régaliennes comme dans son rôle économique, se réduit comme peau de chagrin depuis que l’UMP est au pouvoir.
Non seulement on réduit comme jamais le nombre de fonctionnaires nécessaires au fonctionnement des services publics mais en outre le rôle économique de l’Etat et des collectivités se réduit de façon inquiétante pour les intérêts de tous comme pour celui des entreprises(1)
Noyé au milieu de ces désengagements, figure une mesure peu connue mais symbolique du transfert de l’intérêt public vers des intérêts privés : La promulgation de l’ordonnance ministérielle (spécial dédicace à la démocratie parlementaire) du 17 juin 2004 instaurant comme nouveau mécanisme de la commande publique les PPP(2), directement inspirés des méthodes de sa gracieuse majesté et anglo-saxonnes, consiste à faire prendre en charge une partie de l’investissement public, traditionnellement nécessaire au service public à rendre (école, hôpitaux etc.….), par des investisseurs privés, en contrepartie de laquelle l’Etat ou les collectivités s’engagent à rembourser sur de très longue durée le financeur privé (une sorte de concepteur-constructeur-financeur).
A la lecture de la propagande ministérielle, il est difficile d’y apercevoir une quelconque minimisation des bénéfices d’un tel principe ! Et pourtant, Fédérations professionnelles du second œuvre, syndicats d’architecture (3)] comme Conseil Constitutionnel ont marqué leur ferme opposition, à tel point que si les deux premiers n’ont pu empêcher la promulgation de l’ordonnance, le troisième l’a assorti de deux critères limitatifs d’application, certainement consécutifs à la grogne engendrée par la possibilité d’un tel processus mixte d’achat, que furent l’urgence ou la complexité de l’opération entrant dans le champ d’application de ces PPP.
Ainsi, le Conseil Constitutionnel considérant ces PPP (4) comme une exception (car cadrée par ces deux critères limitatifs) et non comme une norme, ceux-ci ont été très peu utilisés depuis 2004, ce qui a permis d’éviter jusqu’à présent l’ingérence d’intérêts privés sur le long terme pour participer à des missions de service public de base que seul le financement public aurait du assurer.
Pensez-vous donc! comme si cela ne suffisait pas, une centaine de député ont repris leur flambeau (5) pour réformer cette ordonnance dans l’objectif de la rendre plus souple, en particulier à travers le souhait de supprimer les conditions restrictives nécessaires à leur utilisation. Ne vous étonnez donc plus à l’avenir de constater que la mention Ecole Bouygues soit fièrement affichée à son entrée ou que l’Hôpital Aventis accompagne votre séjour (le plus court possible) par une vision de modernité libérale !
Oui au fait, une dernière chose, le groupe d’étude parlementaire qui a apporté cette nouvelle recommandation pour réformer l’ordonnance de 2004 était composé aussi bien de députés de droite que de gauche. Petit à petit, le libéralisme fait son nid…..
Notes
1) je rappelle que 9% du PIB correspond à de la dépense publique
2) Partenariat-Public-Privé ou Contrat de Partenariat
3) leur principal grief, justifié à mon sens, portent sur le fait que le constructeur est juge et partie de la construction et que les PPP vont exclure de fait les petites entreprises ainsi que l’architecture indépendante
4) il faut savoir aussi que même la Commission européenne, non sujette à des élans naturels interventionnistes, a fortement encadré les PPP dans ses directives
5) pour des raisons certainement plus pragmatiques qu’idéologiques, les élus locaux sont confrontés à la nécessité d’agir, souvent faute de moyens apportés par l’Etat, la Région ou le Département, et sont ainsi pour beaucoup favorables au PPP, nouveau souffle d’air financier nécessaire pour agir, dont les conséquences en terme de trésoreries seront en outre supportés alors même que leur mandat sera terminé depuis bien longtemps….